Treizième chapitre : Un rêve qui en dit long

Je viens de me réveiller. J'étais en train de finir un rêve que j'ai l'impression d'avoir déjà fait.

Je t'explique.

C'est un rêve dans lequel je crois que je fais partie d'un groupe de sorcières. Mais ce n'est qu'un détail.
Dans ce groupe de sorcières, il y a une tradition. Cette tradition, c'est qu'au moment où la leadeuse de notre groupe sent qu'il est pour elle le moment de mourir, on monte en voiture ensemble.
Je suis la personne qui recueille les derniers instants de la personne, c'est moi qui prend le relai à chaque fois sans devenir leadeuse du groupe.

Il y a donc la première fois dans mon rêve où je suis confrontée à cette situation.

Nous sommes dans une voiture, garée sur un parking. La personne à ma gauche, sur le siège conducteur, sent que c'est pour elle le moment de mourir, de laisser sa place, et donc elle s'est arrêtée. C'était dans un certain sens, par le fait de se garer, prévu.
Elle enlève son manteau, et son corps se liquéfie pour disparaître en quelques secondes.
J'assiste à la première mort de quelqu'un qui part en paix, en sachant que c'était le moment de dire adieu.
Je peux prendre sa place à bord de la voiture pour la ramener d'où on vient.

Je me retrouve sur le siège passager de la même voiture. Mais à ma gauche, ce n'est pas une inconnue. C'est ma grand mère.
Sauf que le soucis, c'est que ma mamie, elle en se gare pas pour mourir. Elle continue de conduire, ce qui est dangereux.
Je me retourne, et je vois un enfant en bas âge dans un siège pour enfant à l'arrière.
Il faut donc absolument que ma mamie se gare pour mourir, sinon elle nous met toustes en danger.

Et là, alors que j'arrive à reprendre le contrôle du véhicule, alors que je la supplie de se garer pour pouvoir lui dire au revoir correctement, et qu'elle en disparaisse juste pas comme cela, elle enlève son manteau, en me lançant un dernier regard.
Elle se liquéfie et disparaît alors que je suis occupée à gérer la trajectoire du véhicule et que je n'ai pas accès aux pédales.


Ma mamie est morte il y a maintenant deux ans, et environ un mois.

Je trouve ce rêve particulièrement vrai, dans le sens où ma mamie est morte à un moment de ma vie, de la vie de ma famille, où il nous restait des choses à faire ensemble. Ma mamie est morte, et nous a laissé là au bord de la route, en ne sachant pas quoi faire de cette personne qui était un élément central de notre famille. Je me suis sentie laissée au bord de la route.

Je me souviens encore de son visage. Mais j'ai de plus en plus de mal à me remémorer sa voix. Des fois, alors qu'elle était encore vivante, je lisais les livres avec dans ma tête sa voix, comme pour me rappeler les moments où elle me lisait des livres quand j'étais enfant.
Elle m'appelait "mon canard" "ma biche".

C'était une des personnes les plus intelligentes et les plus gentilles que je connaisse. C'est une femme qui a fait beaucoup de sacrifices pour sa famille, pour ses enfants, pour son mari.
C'est quelque chose que je ne ferai pas, que je ne me verrai pas faire, car je ne veux pas avoir autant de regrets qu'elle. C'est pour cela que j'ai continué la psychologie, alors même que j'étais au plus mal. Je n'arrêterai pas mes études tant que je n'aurai pas décroché ce putain de titre de psychologue. Je n'arrêterai pas ma carrière pour mes enfants. Je ne veux pas particulièrement d'enfants de toute façon.


Ma mamie n'était pas là quand j'ai eu ma licence de psychologue.

Ma mamie ne sera pas là le jour où je serai psychologue.

Elle était très intelligente, et on avait déjà discuté longuement du pourquoi j'avais choisi cette filière. Elle et moi savions que c'était à cause de ma personnalité et de mon vécu. Nous avions quelques éléments en tête.

Elle était très clairvoyante sur ce sujet.

Je ne dis pas qu'il y a un bon moment pour mourir. Mais je pense que l'on aurait pu vivre encore plus de choses ensemble, et que j'aurai aimé que ma mamie soit là quand je rentre dans ma vie d'adulte. Je me serai mariée pour lui faire plaisir, et j'aurai fait des enfants juste pour lui présenter.

Ma mamie, c'était une personne extrêmement importante pour moi. J'ai passé mon enfance en vacances avec elle et mon papi, comme j'étais leur première petite enfant, j'ai eu droit à un traitement spécial. C'est avec iels que j'étais quand ma maman a donné naissance à mon petit frère.
Avec eux que j'étais la première et unique fois que je suis allée en Espagne.
J'ai passé des après midi entières à regarder des documentaires sur France 5 alors que ma mamie dormait sur le canapé à côté de moi.

Elle est sûrement la personne à qui j'ai dit le plus que je l'aimais dans ma famille.
Et la dernière fois que je l'ai vue vivante, et qu'elle n'était plus du tout elle-même, quand je lui ai dit que je l'aimais, c'est le seul moment où son discours a fait à peu près sens.

J'ai très clairement fait un deuil pathologique suite à son décès.

Il faut savoir que sa soeur, que je considérais comme mon autre mamie, puisque mes grands parents paternels ne nous parlent plus depuis bien 12/13 ans maintenant, est morte deux mois avant elle.

C'était l’hécatombe dans ma famille au printemps 2017. C'est aussi le printemps où j'ai commencé ma dépression. C'est le printemps où j'ai été agressée sexuellement dans la rue alors que je rentrais chez moi.

Avec ça, et pleins d'autres trucs que traînais depuis plusieurs années (les abus subis lors de ma première "vraie" relation amoureuse par exemple), j'ai fait une dépression qui a duré bien 6 mois.

Quand ma mamie est morte, j'ai soudainement réalisé que la génération suivante à laquelle je serai un jour amenée à dire au revoir à contre cœur, ce sont mes parents.
Et cela a mit définitivement fin à mon enfance et mon adolescence.

Depuis ma dépression, depuis que ma mamie est morte, je ne pleure plus trop. J'étais quelqu'un qui pleurait facilement, qui extériorisait bien ses émotions négatives. Maintenant, je gère autrement. J'angoisse, je fais des crises d'angoisses. Bien moins fun que de pleurer.

Et en écrivant tout cela, et bien je pleure, et cela me fait vachement du bien, de laisser sortir tout ça.
Je suis prête à faire ma journée en ayant déposé tout ça ici, en ayant évacué ce qu'il me restait en trop pour avancer.


Prends soin de toi. :)

Commentaires

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